samedi 31 janvier 2015

Force noire, de Guillaume Prévost : un roman historique très humain

[Gallimard, 2014]

Il est de ces romans qui vous parlent d’Histoire avec beaucoup d’humanité, et qui savent vous la faire aimer, ressentir. Dernier exemple que j’ai en tête, du côté des adultes, « Kléber » de Henri Courtade autour de la bataille de Verdun. Côté jeunesse et ado, « Force noire » de Guillaume Prévost possède cette même qualité, celle de faire vivre l’Histoire en plus de la raconter.

Résumé

Alors qu’elle est en colère contre ses parents et qu’elle veut se cacher dans l’un des greniers de son immeuble, Alma rencontre Bakary, un octogénaire plongé dans ses souvenirs. Il va lui raconter sa vie, et surtout sa guerre, lui qui s’est engagé en 1915 dans l’espoir de retrouver son frère porté disparu. Il a affronté des combats violents au sein de la Force noire, régulièrement envoyée en première ligne, mais aussi le racisme quotidien des officiers et des populations…

Une histoire bien menée

C’est un roman très réussi. Bakary commence par raconter à Alma son enfance au Mali, au sein d’une famille de guerriers réputés. Son engagement dans la guerre de 14-18 commence ensuite par un entraînement à Fréjus, où il fait connaissance avec ses camarades de combat et ses supérieurs. Puis enfin les combats et la vie dans les tranchées, entrecoupée de permissions et de blessures. L’ensemble est bien mené, on a envie de connaître la suite, tout comme Alma. La fin est également réussie, bien dans l’esprit africain et ses légendes, et agrémentée d’un secret de famille. Seul bémol, Bakary traverse peut-être cette guerre un peu trop facilement.

Beaucoup d’humanité

La force du roman, c’est son humanité. C’est un roman solaire, on s’attache facilement à Bakary et il noue une jolie relation avec Alma, très spontanée. Nous vivons la guerre de l’intérieur, des amitiés se nouent, des inimitiés également. Il y a des lâches et des courageux. Même l’amour a sa place dans cette guerre. En plus des allemands, les tirailleurs sénégalais doivent affronter le racisme quotidien de leurs supérieurs et des populations. Considérés comme des sous-hommes, ils ne bénéficient d’aucune gratitude et n’ont pas vraiment de perspective d’avenir.

Les personnages

Alma est une collégienne dotée d’un fort caractère, qui représente cette jeunesse que l’Histoire ennuie. Pourtant, le destin de Bakary lui importe beaucoup, elle est emportée par ce qu’il lui raconte et réagit vivement à certains événements. Sa propre histoire n’a pas grand intérêt en tant que telle, elle permet surtout de mettre en valeur celle de Bakary. Ce dernier est très attachant. Il n’a pas été à l’école, mais il a la tête sur les épaules et il a beaucoup appris par lui-même. Il est loyal et pense au bonheur des autres avant de penser au sien. Il croise toute une galerie de personnages, le Siffleur et son talent particulier, Goliath et son handicap, l’Intellectuel, la belle Jeanne…

L’écriture

Quant au style d’écriture, il est agréable, simple et abordable sans être pauvre. La lecture est fluide, les pages se tournent toutes seules. Grâce à la discussion entre Alma et Bakary, il y a une certaine vivacité, de la spontanéité. C’est donc un roman qui peut être lu et apprécié dès 11/12 ans.

En quelques mots…

Ainsi, Guillaume Prévost propose ici un roman historique très humain. C’est une vision de la guerre de 14-18, mais aussi le destin d’un homme très attachant qui fait face au racisme et à la lâcheté avec bonhomie. Ses souvenirs sont précieux et il s’efforce de les transmettre à Alma avant qu’il ne soit trop tard. A lire dès 11/12 ans.

Note : 4/5
Stellabloggeuse
--------
"C'est le propre des jeunes gens que de courir vers le précipice les yeux fermés. Ce n'est qu'après, en se retournant, qu'ils réalisent à quoi ils ont échappé."

"Mais dans l'esprit des généraux, la Force noire devait impressionner ses adversaires. Un déferlement d'africains brandissant leur coupe-coupe en hurlant, prêts à taillader et à découper tous ceux qui se mettraient en travers de leur route... Nous avions la réputation de barbares sans pitié, et c'est précisément ce que souhaitait l'état-major."

"Si je te dis ça, c'est pour que tu comprennes que nous n'étions pas des héros, juste des pauvres gars ballottés sur un océan de violence. A la guerre, seul le pire est toujours certain... Et malgré tout, il faut continuer à vivre, n'est-ce pas ? La première fois que je me suis battu pour de vrai, j'étais convaincu que je ne tiendrais pas trois jours. Trois ans plus tard, j'y étais encore."

"Durant les phases d'attaque, au moins, nous pensions à sauver notre peau, et à rien d'autre. Mais il y avait le reste du temps... Tout le reste du temps. D'interminables journées à camper dans la boue, avec le froid qui glaçait les uniformes mouillés, les poux qui vous suçaient le sang sous le casque et dans les moindres replis du corps, les rats qui vous détalaient entre les jambes ou vous grignotaient dès que vous aviez le malheur de vous assoupir."
--------

Ce roman fait partie du challenge :


Challenge ABC 2015 : 5/26

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

A vous de donner votre avis, il est le bienvenu !