mardi 11 novembre 2014

Mangez-le si vous voulez, de Jean Teulé : chronique d’une hystérie collective

[Julliard, 2009]

Il y a une quinzaine de jours, j’ai passé un très bon moment avec « Le magasin des suicides » de Jean Teulé. J’ai donc décidé d’enchaîné avec « Mangez-le si vous voulez » du même auteur, dans l’idée d’aller peut-être voir l’adaptation théâtrale de ce dernier, qui passera non loin de chez moi en janvier.

Résumé

Dans ce roman, Jean Teulé reconstitue un fait divers d’une rare violence qui a eu lieu le 16 août 1870 dans un village jusque-là paisible. Lorsque Alain de Monéys, notable du village voisin, se rend à la Foire de Hautefaye, il ne se doute pas qu’il n’en reviendra pas vivant. Il s’imagine encore moins qu’il sera lynché, torturé et même dévoré. Et pourtant, c’est bien ce qui arrive…

Du désespoir à la violence collective

C’est un roman assez hallucinant que nous propose ici Jean Teulé, le récit d’une hystérie et d’une violence collective, remède  terrible d’un profond désespoir. En effet, les villageois viennent d’apprendre que la défaite de la France contre la Prusse est imminente. Cette mauvaise nouvelle fait suite à un été désastreux marqué par la sécheresse et des récoltes minimes. C’est alors qu’un simple quiproquo met le feu aux poudres et Alain Monéys se trouve accusé d’être de mèche avec les prussiens.

Teulé nous montre ainsi comment de paisibles villageois peuvent devenir, si l'on combine les bons facteurs, des brutes sanguinaires dénuées de raison. Les défenseurs d’Alain sont trop peu nombreux pour contenir tous les autres désireux d’agir, de faire un geste pour « sauver » l’Empire français. S’ensuivent des scènes terrible de torture jusqu’au bûcher final, puis le procès qui suivra. Ames sensibles s’abstenir, mais c’est vraiment bien mené !

Les personnages

Ce qui ajoute à la tension et au drame du roman, c’est que le personnage d’Alain de Monéys est bien sous tous rapports. C’est un bon citoyen, adjoint au maire de son village, qui s’efforce d’aider son prochain dans la mesure de ses moyens. Courageux, il a refusé d’être réformé et s’apprête à rejoindre le front. Quant aux villageois, ils offrent un tableau dément, de ceux qui réclament que le sang coulent aux couards qui refusent de voir ce que se déroule sous leurs yeux, en passant par les enfants pour lesquels cette journée marquera un passage vers l’âge adulte.

L’écriture

Dans ce roman, la plume de Teulé se fait plus simple, plus directe. Il va davantage à l’essentiel, sans pour autant négliger le décor. Il n’épargne pas à son lecteur les détails sanglants (comment le pourrait-il ?), mais pour moi c’est bien dosé, ni trop policé ni franchement gore.

En quelques mots…

Ainsi, une fois de plus avec Teulé, ce roman est un Ovni ! Il s’empare d’un fait divers et montre le pire de la nature humaine. Il décortique la manière dont de paisibles villageois sans histoire deviennent des brutes sanguinaires. Bien mené, mais à réserver aux lecteurs avertis et pas trop sensibles ! (mais si j’ai pu le supporter, cela devrait aller pour vous^^).

Note : 3,5/5
Stellabloggeuse
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« Chacun se bouscule pour le taper, imprimer sa marque sur son corps ennemi. Celui qui vient de frapper se retire, laisse sa place à un autre qui, coup donné, s’efface pour être aussitôt remplacé. Cette gestion instinctive et collective du massacre dilue la responsabilité. Pour les adolescents venus à la foire, ce carnage offre l’heureuse opportunité de prouver leur virilité et de s’intégrer parmi les hommes. »


« Il est conduit hors du village comme par un déluge, comme en triomphe, à travers le pétillement de leurs injures. Les rives des sombres bords se serrent autour de lui, sonores de cris de mort ! Ô le souvenir des frais instants de paix profonde de sa vie plutôt confortable d'avant. Mais, devenu ange hors d'usage, il poursuit, tiré par les chevilles, sa montée vers le foirail. Le meurtre que la foule s'apprête à commettre est un cri d'amour adressé à la France. »

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