mardi 3 décembre 2013

Chambre 2, de Julie Bonnie : de la vie de bohême aux salles d’accouchement

[Belfond, 2013]

Je vais vous parler aujourd’hui d’un « premier roman » qui a fait parler de lui cet automne, notamment parce qu’il a reçu le prix Fnac 2013: Chambre 2, de Julie Bonnie. Mais, en ce qui me concerne, c’est Stéphanie-plaisir-de lire qui m’a donné envie de le découvrir, avec son joli billet.

Résumé

Béatrice est auxiliaire de puériculture. Chaque jour, elle fait le tour des chambres à la maternité et fait face à des mères souvent désemparées par leur accouchement, quand elles ne sont pas traumatisées par une fausse couche ou un enfant mort-né. L’équipe médicale, parmi laquelle chacun est concentré sur son propre bien-être, ne lui est d’aucun secours. Tout en déambulant de chambre en chambre, Béatrice se remémore son passé de danseuse nue, une activité dans laquelle elle se sentait exister, une époque où elle avait l’impression d’être à sa place.

Le quotidien de la maternité

Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce n’est pas un livre qui donne envie d’avoir des enfants lorsque l’on a encore jamais accouché. Au contraire, cela fait plutôt peur. L’accouchement est ici présenté comme un traumatisme pour le corps, mais surtout pour l’âme. D’autant plus que cela ne se passe pas toujours bien. Quant à l’équipe de l’hôpital, elle ne se préoccupe pas beaucoup du bien être des patientes… Néanmoins, la relation qu’entretient Béatrice avec les nouveau-nés et son empathie pour les mamans est assez touchante. Malheureusement, elle n’a ni le temps ni les moyens de leur venir véritablement en aide.

La danse et la route

Ainsi, j’ai préféré les moments où Béatrice évoque son ancienne vie, son passé de danseuse nue. Pendant une décennie, elle a sillonné les routes en compagnie des musiciens Gabor et Paolo, et du tandem Pierre & Pierre, deux homosexuels qui ont monté un show provocant à souhaits. J’ai aimé la manière dont la narratrice évoque son corps et se l’approprie, et cette vie une peu insouciante dédiée toute entière au spectacle. Mais les reproches sur l’éducation de ses enfants et un drame qui a touché la troupe pousseront Béatrice à rentrer dans le rang, à se chercher une place dans la société, pour son plus grand malheur.

Les personnages

Béatrice est un personnage assez touchant. Elle vit comme elle le peut, elle s’accroche, même si son quotidien n’est pas du tout ce dont elle avait rêvé. Elle a un problème psychologique, des sortes de crises de panique où elle sent son corps lui échapper. Elle ne trouve pas sa place dans la « bonne société », encore moins au sein de l'hôpital et de sa hiérarchie impitoyable, et n’a été vraiment heureuse que sur la route. Pourtant, pour ses enfants, elle continue, même s’ils sont devenus grands et ingrats. Des autres personnages, je n’ai pas envie de parler, même si j’ai apprécié Gabor et son charme particulier. Béatrice mérite toute l’attention du lecteur.

L’écriture

Le roman est écrit à la première personne, c’est Béatrice qui s’exprime. L’auteure lui met dans la bouche des mots parfois crus, n’enjolive jamais la réalité. Elle sait pourtant se faire plus poétique au moment d’évoquer la danse et la musique. Au final, pour un premier roman, le style est assez encourageant, il ne m’a jamais dérangée.

En quelques mots…

Ainsi, je ne peux pas dire que j’ai « aimé » ce roman car il aborde des sujets très durs et donne de l’accouchement une vision que l’on préférerait oublier. Néanmoins, c’est un roman bien mené qui a su m’intéresser, avec un personnage touchant et un encourageant à vivre la vie que l’on s’est choisie. L'auteure a su utiliser son expérience de chanteuse et de musicienne pour évoquer la vie sur la route.

Note : 3,5/5

Stellabloggeuse


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"Grâce à la musique de Gabor et Paolo, j'ai compris que je pouvais être nue, aimée, dans une autre dimension. J'étais touchée par la grâce, une transe dévoilant ma peau. Je devenais un spectre, une pluie, une brume. Je donnais et je recevais. Je ne faisais plus semblant de rien. Le plaisir était réel. Avec le temps, j'ai appris à montrer beaucoup plus que mon corps. J'ai exposé mes blessures, exhibé mes émotions. J'ai dévêtu mon corps, puis j'ai déshabillé mon âme."

"Sachez, Béatrice, que j'apprécie énormément le travail que vous faites, et que je ne suis pas la seule. Sachez que vous n'êtes pas seule. Pas plus seule que chacun de nous ici. L'hôpital est un lieu de grande, grande solitude. C'est presque sa définition. Nous partageons l'indicible dans des conditions exécrables. Nous ne pouvons pas partager parce que nous n'avons pas le temps, bien sûr, mais surtout parce que chacun protège son intimité tant bien que mal. On ne peut pas travailler avec le corps nu. Et il me semble que vos vêtements vous vont très mal. Trouvez-en dans lesquels vous vous sentirez bien, mais trouvez-en. Sinon, vous mourrez ici même, sans avoir rien compris."

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