samedi 30 mars 2013

La charrette bleue, de René Barjavel : une plongée dans la Drôme d'un autre temps

[Denoël, 1980]

J'ai déjà, sur ce blog, chanté sur tous les tons mon amour pour René Barjavel et son oeuvre, bien que j'aie chroniqué peu de ses livres sur ce blog, et pour cause : mes lectures datent pour la plupart de plusieurs années, et je crains que des billets basés sur de lointains souvenirs ne rendent pas suffisamment justice à ses romans. Vous trouverez néanmoins ici mes avis sur La Nuit des temps (tellement relu qu'il est gravé dans ma mémoire) et L'enchanteur. Quoi qu'il en soit, je continue à découvrir son oeuvre petit à petit, en la dégustant. Je me suis cette fois plongée dans ses souvenirs d'enfance avec "La charrette bleue".

Résumé

Dans cette autobiographie, René Barjavel nous livre ses souvenirs de la Drôme de son enfance, dans la petite ville de Nyons. En fil rouge, la maladie et la mort de sa mère. En toile de fond, la Première Guerre Mondiale. Barjavel déroule peu à peu le fil de ses souvenirs et se laisse parfois emporter dans des réflexions plus générales concernant la société. En le lisant, vous découvrirez le cancre qu'il a été, les secrets de la fabrication du pain, la vie dans une France en guerre, la confection de la soupe du soir, les charmes de la vie rustique... Evasion et dépaysement garantis !

Une enfance d'un autre temps

L'une des choses qui m'a frappée en lisant ce livre, c'est que René Barjavel a connu une enfance comme il n'en existe plus. Pas de télévision, pas d'Internet, seulement des activités de plein-air, des choses simples. Il a vécu dans un monde différent, où les petits artisans étaient encore légion, fabricant des charrettes, brûlant des grains de café avant de le moudre, etc. Un monde où l'on se déplaçait à pieds et à vélo. Ajoutons à cela le contexte de la Première Guerre Mondiale, qui a conduit le jeune René à vivre ses plus jeunes années dans un monde de femmes, d'enfants et de vieillards. Ainsi, cette autobiographie nous livre également le quotidien d'une époque révolue, que j'ai découverte avec beaucoup de curiosité et d'intérêt.

La vie rurale d'un petit coin de Drôme

Mais cette autobiographie recèle également de nombreux paysages, puisque nous parcourons avec l'auteur son petit coin de Drôme, là où il a vécu avec sa famille. Cette dimension m'a tout autant séduite que le reste, et m'a donné envie de visiter cette région. Ainsi, René Barjavel m'a fait voyager avec lui. J'ai également aimé la simplicité de cette vie rustique, où les gens produisaient tout ce dont ils avaient besoin pour vivre. Aujourd'hui, les paysans gagnent plus d'argent, mais paradoxalement, ne vivent plus de leur activité.

L'intimité de Barjavel

Cette autobiographie permet également de pénétrer dans la famille de l'auteur, d'apprendre à le connaître, de se trouver avec lui quelques points communs (il avait, par exemple, horreur du pastis^^). Il nous fait partager ses joies simples, mais aussi ses chagrins et les malheurs qui ont frappé sa famille, notamment le décès de sa mère. Ce livre recèle donc une certaine émotion, particulièrement puissante lorsqu'arrive la fin du livre.

Les personnages

Nous ne pouvons pas vraiment parler de "personnages" puisque tous ont réellement existé, mais l'auteur nous présente en tout cas des figures marquantes : sa mère avec son intelligence et sa volonté de fer, son rêveur de père, incapable de dire non et de gérer de l'argent, Nini qui prend soin de tout le monde... Cela a été un plaisir de faire un bout de chemin avec eux.

L'écriture

J'ai l'impression de me répéter, mais je suis amoureuse du style de l'auteur, de sa manière de raconter les choses, parfois directe, souvent tendre. Une foi encore, il ne m'a pas déçue. Je pouvais presque me l'imaginer à côté de moi, en train de me conter ses souvenirs. Il parvient à livrer ses souvenirs et à dépeindre la vie rurale d'une manière vivante, contrairement à d'autres auteurs que je ne citerai pas ici ! Les descriptions des paysages de son enfance sont très réussies, et donnent envie de s'y promener.

En quelques mots...

Ainsi, j'ai été totalement sous le charme de cette autobiographie qui rassemble souvenirs, paysages et réflexions. Barjavel nous fait ici le récit d'une époque révolue, qui à coup sûr vous procurera un moment d'évasion et de dépaysement. Je ne peux que vous recommander chaudement cette lecture, si vous aimez les souvenirs d'enfance et la campagne, ou tout simplement si vous voulez connaître un peu mieux René Barjavel. Pour ma part, je compte poursuivre l'aventure avec ses souvenirs d'adulte intitulés "Journal d'un homme simple".

Note : 4,5/5

Stellabloggeuse


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Ce roman fait partie des challenges :


Challenge Bouge ta Pal ! : lecture n°30


Challenge Où sont les hommes ? : lecture n°34

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« Curieuse entreprise, d’écrire des souvenirs. On tire sur le fil, et on ne sait pas ce qui va en sortir. Comme ces illusionnistes qui extraient de leur bouche, suspendus en guirlande, une fleur, une lame de rasoir, une ampoule allumée, un petit lapin… J’évoquai les nourrissons et me voilà parmi les octogénaires… Tirons le fil : voici de nouveau la boulangerie. »

« J’ai été quelque peu leur victime à l’âge de quatorze ans, l’âge de mes amours passionnées et innocentes. J’étais Roméo mais je ne montais pas à l’échelle. Elles voyaient déjà la fille enceinte. Elle avait quinze ans. Je me promenais avec elle en lui tenant la main. Elles mesuraient de l’œil son tour de taille… C’est un peu à cause d’elles que j’ai du quitter Nyons pour devenir pensionnaire au collège de Cusset. Je devrais leur en être reconnaissant, car mon séjour dans ce collège comme élève, sous la direction du principal Abel Boisselier, le chef d’établissement le plus extraordinaire que l’Université française ait jamais connu, fut pour moi comme le séjour d’un bulbe dans un sable tiède, ensoleillé et arrosé d’engrais, d’où j’allais jaillir à dix-huit ans, plus averti mais toujours aussi tendre, vers le grand ciel de l’amour et de la vie. »

" Quand a éclaté Mai 68, je suis allé presque tous les jours au Quartier latin, regarder. J’ai vu brûler non les cahiers mais les voitures. C’est pourtant bien du feu des écoliers qu’il s’agissait. Longtemps désiré, refoulé, comprimé, il avait éclaté d’un seul coup, exprimant la révolte de cent générations contre la discipline du savoir. Bien sûr, pour connaître, il faut apprendre. Mais arracher des enfants à leur activité normale qui est celle de l’agitation inutile et joyeuse, pour les enfermer entre quatre murs où pendant des années on leur empile dans le crâne des notions abstraites, c’est la torture la plus masochiste que l’homme ait inventé contre lui-même. Le grand feu de mai 68 était un élan de libération, et non un élan de révolution sociale, comme certains ont voulu le croire. La preuve est qu’il n’en est rien resté, qu’un peu de cendres."

2 commentaires:

  1. Tu parles vraiment très bien de ce livre... J'ai adoré lire ta chronique qui m'a donné envie de découvrir cette autobiographie !
    Je trouve toujours cela intéressant de voir comment les gens vivaient avant nous...

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    1. Merci beaucoup, tu me fais rougir ;) Je suis ravie de t'avoir donné envie de découvrir ce titre, j'espère qu'il te plaira autant qu'à moi, n'hésite pas à revenir papoter par ici si tu le lis !

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